31/01/2003 Texte

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Guerre en Irak: les pays arabes attendent le pire dans l'immobilisme

LE CAIRE, 31 janvier 2003 (AFP). Les pays arabes attendent le pire dans l'immobilisme, avec la menace croissante d'une guerre en Irak dont ils redoutent un effet domino sur toute la région, expliquent des analystes.

Depuis le début des accusations américaines contre l'Irak, les pays arabes ont, à l'inverse de l'attitude adoptée lors de la guerre du Golfe en 1991, manifesté leur totale opposition à un conflit, et annoncé qu'ils n'enverraient aucune troupe aux côtés des Etats-Unis. Le président égyptien Hosni Moubarak, pourtant un des solides alliés des Etats-Unis au Moyen-Orient, répète qu'une guerre provoquera un "chaos régional", inquiétude partagée par la Jordanie, qui a d'importants liens économiques avec l'Irak voisin.

La ministre adjointe égyptienne aux Affaires étrangères, Fayza Aboul Naga, affirme qu'une guerre coûtera à son pays, qui vient de dévaluer sa monnaie, de six à huit milliards de dollars. Au delà des conséquences économiques, les risques sont nombreux d'une déstabilisation des communautés religieuses ou ethniques des pays de la région, en cas de guerre et d'éclatement de l'Irak, soulignent des analystes. Et les régimes arabes s'inquiètent aussi des véritables intentions américaines: Après l'Irak, à qui le tour ?

Reprenant une analyse répandue dans la presse arabe, le journaliste Anis Mansour assure que toute la région est dans le collimateur de l'Oncle Sam. Israël affirme que les armes irakiennes de destruction massive sont cachées en Syrie, "pour faire de ce pays la prochaine victime, après l'Irak", écrivait-il mercredi dans le quotidien Al Ahram. "Puis on pourrait passer à l'Iran, qui soutient la Syrie, qui soutient le Hezbollah et le Hamas, qui a son tour défend les Palestiniens, qui attaquent des personnes innocentes en Israël", ajoutait-il.

Pour l'analyste d'origine libanaise Antoine Basbous, l'Arabie saoudite est en bonne place sur la liste américaine. "Il faut rappeler que les attentats du 11 septembre (2001) sont l'évènement fondateur du siècle. Les Américains cherchent Ben Laden en Afghanistan sans le trouver, et réfléchissent sur l'origine du mal. Ils découvrent que les wahhabites saoudiens sont derrière tout cela", explique à l'AFP M. Basbous, qui dirige à Paris l'Observatoire des pays arabes, rappelant que 15 des 19 kamikazes du 11 septembre étaient saoudiens. "Leur allié de 60 ans dans la région les a poignardés dans le dos. Ils demandent aux Saoudiens de sévir contre les wahhabites, ce que le royaume ne fait pas car il y a menace de guerre civile. Les Etats-Unis décident alors d'activer la deuxième réserve mondiale de pétrole (l'Irak) et de la substituer à la première" (l'Arabie saoudite), ajoute M. Basbous, qui estime que ce pays est à terme menacé par Les Etats-Unis. Et l'inquiétude sur les projets américains a gagné les régimes alliés ou amis de Washington, selon des diplomates. Interrogé sur la raison pour laquelle les dirigeants arabes nient toute pression pour forcer Saddam Hussein à l'exil, un diplomate arabe explique: "C'est hors de question, ce serait un précédent fâcheux". "Les Américains pensent que le monde arabe est en retard, soumis au terrorisme intellectuel des islamistes. Ses institutions sont obsolètes, qu'il s'agisse de la Ligue arabe ou du Conseil de coopération du Golfe", affirme Antoine Basbous.

Le Liban a réclamé jeudi la tenue d'une réunion ministérielle arabe sur l'Irak, qui pourrait déboucher sur un sommet extraordinaire, le prochain sommet ordinaire étant normalement prévu en mars à Bahrein. Mais les observateurs attendent peu des réunions d'une institution en crise, dont la Libye veut se retirer, après avoir dénoncé sa passivité. "Les régimes arabes n'ont rien fait depuis six mois qu'on parle de guerre", accuse l'analyste égyptien Wahid Abdel Méguid. "Ils se comportent comme des vieux, qui préfèrent ce qu'ils connaissent à ce qu'ils ne connaissent pas", a-t-il dit à l'AFP.

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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