27/03/2003 Texte

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« Bush est-il prêt à sacrifier 1.000 Marines ? »

- Quelle est votre analyse sur la situation en Irak ?

- Je pense déjà que ce n'est pas une promenade de santé. Je pense aussi que 300.000 hommes, ce n'était pas suffisant... Depuis près d'une semaine, ils ont parcouru près de 600 kilomètres, avec relativement peu de pertes en vies humaines. La coalition n'a pas utilisé tous ses moyens parce qu'elle veut sauvegarder l'avenir. Puisqu'elle veut coopérer avec ce peuple demain, elle veut éviter les dégâts parmi les civils. Mais cette situation va devoir changer. Les coalisés seront obligés de montrer eux aussi leur détermination, et là il y aura sans doute surenchère.

- Comment voyez-vous cette bataille de Bagdad ?

- Les Américains ont deux contraintes : sauvegarder le maximum de vies civiles et refuser l'enlisement et la guerre d'usure. Cela va être douloureux pour eux, parce que s'ils vont lentement dans une situation de siège qui s'éternise, cela donnera à Saddam le temps de respirer, d'organiser une guerre de partisans, de harceler les troupes sur leur arrière. S'ils y vont avec les moyens dont ils disposent, qui sont colossaux par rapport à ceux des Irakiens, ce sera sanglant. Saddam a dit il y a 15 jours à un ministre arabe venu le voir : «Moi, je suis prêt à mettre 100.000 morts dans cette bagarre ». Bush est-il prêt à sacrifier 1.000 Marines ?

- La résistance des Irakiens vous surprend-elle ?

- Non. Mais il faut plus justement parler de la résistance des groupes Baas. Ce sont des gens qui défendent leur pouvoir, leur clan. Si le régime tombe, ils seront maltraités par leurs compatriotes. Et il y a également la Garde républicaine, les Fedayins de Saddam. Ils n'ont pas grand-chose à perdre et ont donc un comportement suicidaire.

- Mardi, les Saoudiens ont présenté un plan de paix. Les Américains disent qu'ils n'en ont pas eu connaissance. Qu'en est-il ?


- C'est une grande comédie. Les pays arabes connaissent une schizophrénie réelle. D'une part, une quinzaine de pays collaborent avec les Américains, et en même temps, ils se réunissent au Caire pour dire « arrêtons l'invasion », à l'exception du Koweït qui dit franchement son hostilité à l'Irak. Les pays arabes souhaitent une guerre éclair, très rapide et le départ de Saddam au plus tôt. Ils ont peur de l'enlisement et en même temps, ils ont une obligation, celle de ne pas heurter leur propre opinion publique, hostile à la campagne américaine.

- Comment imaginer l'après-guerre ?

- Si la guerre se termine avec le succès des Américains, cette dynamique peut s'étendre sur d'autres pays de la région. En revanche, s'il y a un enlisement ou un échec, cela va refroidir les Américains, gêner leur plan et annoncer un départ prématuré. A ce moment-là, l'intervention aura été pire que le statu quo. Et la France aura eu raison de s'y opposer...

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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