03/01/2005 Texte

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« Un climat de terreur épouvantable »

IL NE SE PASSE PAS un jour sans que les groupes armés islamistes ne mènent des actions sanglantes. Leur rythme augmente à l'approche des élections fixées au 30 janvier. Hier, plus de 40 personnes ont été tuées lors de plusieurs attaques dans le pays, dont 18 gardes nationaux et 1 civil irakiens lors d'un attentat près de Balad (au nord de Bagdad). Ce massacre a été revendiqué au nom du groupe de l'islamiste Abou Moussad al-Zarkaoui. Un tract, signé du groupe Al-Qaïda au pays du Rafidaïn (Mésopotamie), a affirmé qu'« une revanche a été prise, avec l'aide de Dieu, sur des agents de l'apostat, le Premier ministre irakien Iyad Allaoui ». De son côté, le ministre du Pétrole, Thamer Abbas Ghadbane, a indiqué que son pays avait perdu plus de 8 milliards de dollars en exportations de pétrole depuis mars 2003 en raison des actes de sabotage contre ce secteur. Le ministre a évoqué une « guerre totale » menée contre les infrastructures pétrolières. Ce climat d'extrême violence menace la tenue des élections.

Antoine Basbous, écrivain et directeur de l'Observatoire des pays arabes, prédit que l'Irak va connaître en janvier « le mois le plus sanglant depuis la chute de Saddam ».

« Le passage par les urnes est un premier pas »

Les élections en Irak vont-elles avoir lieu, comme prévu, le 30 janvier ?

Antoine Basbous. Elles vont sans doute être tenues, car elles sont inscrites dans l'agenda de la Constitution irakienne. Aussi, les reporter serait synonyme de défaite pour les Américains. Mais elles vont se dérouler dans un climat de terreur épouvantable. Ce mois de janvier risque de se révéler le mois le plus sanglant qu'aura connu l'Irak depuis la chute de Saddam Hussein.

Comment se traduit l'action des groupes armés ?

Les bureaux de vote sont la cible d'attentats. Les électeurs sont menacés de mort, les candidats aussi. Certains d'entre eux ont déjà été assassinés par le groupe de Zarkaoui, l'homme de Ben Laden en Irak. A Mossoul (triangle sunnite), par exemple, toute la commission électorale a démissionné. Les médias refusent, par peur, de publier le moindre programme, le moindre communiqué et les noms des candidats. Le Parti islamique irakien (sunnite) s'est retiré. Il ne reste en course, côté sunnite, que les candidats inscrits sur la liste du président Al-Yaouer et des listes marginales. Cinq des dix-huit préfectures irakiennes ne pourraient pas, ou très mal, organiser le scrutin. Et les sunnites ne voteront pas.

En raison de Ben Laden, qui appelle au boycott ?

Ben Laden et Zarkaoui, son « émir » dans la région, ont décrété que tout électeur sera considéré comme «apostat». Ce qui signifie qu'il mérite la mort !

Une fois les élections passées, les Américains vont-ils partir ?

Impossible ! Ce serait une catastrophe, la porte ouverte à la guerre civile totale. Les Américains ne pourront quitter l'Irak que s'ils parviennent à former 200.000 soldats capables de maintenir la stabilité. Or actuellement, on se trouve dans un cas de figure proche de celui de l'Afghanistan en 1979, avec l'invasion de l'Armée rouge. Les Américains sont des « mécréants » que les jihadistes sunnites de Ben Laden se doivent de chasser par la force.

Quelle peut être la légitimité d'un gouvernement issu de telles élections ?

Le passage par les urnes est une tentative, même si les conditions du scrutin sont peu satisfaisantes, de reconstruire une légitimité. C'est un premier pas. Il faut se rappeler que Saddam Hussein n'a rien laissé derrière lui : pas de partis politiques, pas de tissu social, pas de société civile, rien...

Et vis-à-vis de la communauté internationale ?

La légitimité irakienne ne sera certes pas entière, mais pas pire que celle de certains régimes arabes qui sont arrivés au pouvoir par des coups d'Etat.

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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