31/01/2005 Texte

pays

<< RETOUR

La démocratie ne se décrète pas

Ces élections constituent-elles un tournant pour l'Irak ?

Antoine Basbous :
C'est le premier kilomètre d'une longue marche de mille kilomètres vers la démocratie et la fondation d'un Etat de droit après des années de dictature. C'est cependant un accouchement dans la douleur, car s'il y a eu un vote massif dans le Kurdistan et en pays chiite, le « boycott » du scrutin a été important en pays sunnite, où même certains bureaux de vote n'ont pas pu ouvrir. C'était une élection nécessaire, mais insuffisante car la démocratie ne se décrète pas dans un pays qui n'a connu que la dictature. Il y faut de la patience et du temps. Zarkaoui avait promis un bain de sang... Il y a eu, hier, treize attaques suicides qui ont fait une quarantaine de morts. Or treize kamikazes prêts à passer à l'action en une seule journée, ce n'est pas rien. Les mesures de sécurité qui empêchaient la circulation des voitures ont épargné de nombreuses vies. Le groupe de Zarkaoui avait en effet préparé 250 voitures piégées ! Pour Zarkaoui, ce n'est donc pas un échec total : la terreur a régné à Bagdad et dans plusieurs autres villes du pays, même s'il n'a pas réussi à gâcher totalement ce premier rendez-vous démocratique. Beaucoup de gens ont bravé les menaces pour aller voter. Mais demain, quand les autorités lèveront les mesures de restriction de circulation, les attentats reprendront de plus belle. La violence est loin d'être finie en Irak.

« L'unité du pays est menacée »

Y a-t-il des risques d'éclatement du pays et d'affrontements entre les différentes communautés ?

Antoine Basbous : Nous allons assister à une alternance au pouvoir dictatorial. C'est la communauté chiite (la plus nombreuse) qui va prendre les rênes. Mais si les chiites s'installent au pouvoir et le conservent grâce à leur nombre, le pays ne pourra survivre demain que dans une fédération. Et deux questions se poseront aussitôt : qui contrôlera Bagdad ? Qui contrôlera Kirkouk ? Et ces luttes d'influence existent déjà... Oui. A Bagdad, la bataille a d'ores et déjà commencé avec un nettoyage confessionnel dans le « triangle de la mort » pour couper la route des chiites entre Nadjaf et Bagdad. Les hommes de Zarkaoui veulent empêcher une continuité territoriale entre Bagdad et le sud du pays. Et les Turcs ont annoncé que si le statut de Kirkouk (qui a été arabisé de force par Saddam en chassant les Kurdes) changeait, ils interviendraient au Kurdistan... La menace sur l'unité de l'Irak est d'autant plus réelle que Zarkaoui - qui prend les sunnites en otages - a proclamé dans une fatwa que les chiites sont des hérétiques à combattre et à convertir.

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
twitter   |