Présidentielle syrienne : "Une mascarade pour valider le succès d'Assad"
Malgré la présence de deux autres candidats, le président sortant Bachar al-Assad est assuré de remporter l’élection du 3 juin. La présidentielle s'apparente à une mascarade, estime Antoine Basbous, spécialiste du monde arabe.
Plongée dans une interminable guerre, la Syrie vote mardi 3 juin pour un scrutin présidentielle dont les résultats sont connus d'avance. Le président sortant Bachar al-Assad devrait en effet être reconduit dans ses fonctions pour un nouveau mandat de sept ans, sans l'ombre d'un doute.
Tout d'abord, parce que le scrutin - boycotté par l'opposition - ne peut se tenir que dans les zones contrôlées par le gouvernement, soit sur moins de la moitié du territoire. Ensuite, parce que le vote anticipé, prévu dans une quarantaine de pays où vivent des Syriens, a été interdit dans la plupart des monarchies arabes du Golfe, qui soutiennent l'opposition syrienne.
Cette année, le scrutin revêt un caractère inédit. L'actuel président, jusqu’alors confirmé dans ses fonctions par référendum, affronte pour la première fois deux rivaux : Maher Al-Hajjar et Hassan Abdellah Al-Nouri, deux illustres inconnus du grand public. La nouvelle Constitution, approuvée en février 2012, instaure en effet le "pluralisme" politique. Elle donne pour la première fois la possibilité à plusieurs candidats de se présenter à la magistrature suprême. Lors de ses précédentes élections, Bachar al-Assad, sans rival, avait gagné la présidence en récoltant 97,29 % des voix en 2000, et 97,62 % des suffrages en 2007.
"Bachar al-Assad verrouille le scrutin comme son père avant lui"
Tout cela n’est "évidemment" que de la poudre aux yeux, estime Antoine Basbous, le directeur de l’Observatoire des pays arabes."C’est un semblant d’ouverture, mais l'élection est en réalité extrêmement verrouillée", explique-t-il à FRANCE 24. "Toutes les conditions évoquées par le régime ont été instituées pour que le futur président ne puisse correspondre qu’à Bachar al-Assad! Les autres candidats ne sont que des 'lièvres' en mission pour valider le succès d’Assad."
Il est vrai que les prétendants à la présidence ont dû répondre à des exigences électorales assez "particulières". Premièrement, ils doivent, pour se présenter, avoir vécu de manière continue en Syrie ces dix dernières années, ce qui exclut, de facto, les opposants en exil. Ensuite, ils ont dû obtenir le soutien d’au moins 35 députés sur les 250 que compte le Parlement, qui est - évidemment - loyal au président en place.
"C’est très hypocrite. Le pays est complètement privatisé par la famille Assad. Le fils verrouille le scrutin comme son père l’avait fait avant lui. Tout ceci est une mascarade électorale dont les résultats sont connus d’avance", ajoute Antoine Basbous, qui rappelle au passage "l’absurdité" d’organiser un vote dans un pays en guerre civile, dont la majeure partie des habitants a été contrainte de quitter son domicile.
En 2000, le clan Assad avait déjà modifié la Loi fondamentale
"Comment voulez-vous aller voter quand votre pays est continuellement bombardé et où l’administration s’est évaporée ?", s'interroge-t-il. "Le premier mandat était déjà un simulacre, le troisième le sera tout autant."
Lors de la présidentielle de 2000, le parti Baas avait déjà fait modifier la Constitution pour permettre à Bachar al-Assad d’accéder à la présidence et de succéder à son père Hafez.
"À l’époque, Bachar n’avait pas encore l’âge requis pour se présenter. Il n'avait que 34 ans, or la Constitution exigeait d'en avoir 40 pour prétendre au poste de président. Le Parlement avait alors amendé la Loi fondamentale. Douze ans après, il refait le même coup. Il modifie la Constitution, pour que celle-ci, sous des apparences d’ouverture démocratique, ne serve en fait que ses propres intérêts", développe Antoine Basbous.
L’actuel président, dont le mandat s’achève le 17 juillet, a annoncé sa candidature le 28 avril.
Charlotte BOITIAUX
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