16/03/2006 Texte

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La France fait aujourd'hui profil bas sur l'Irak et craint l'échec américain

PARIS, 16 mars 2006 (AFP) - Trois ans après avoir conduit le front du refus à la guerre des Etats-Unis en Irak, la France adopte désormais un profil bas, craignant qu'un échec américain ne déstabilise davantage la région. Paris fait régulièrement part de sa "profonde préoccupation" devant la "dégradation persistante" de la situation en Irak et condamne les attentats, appelant les Irakiens au rejet de la violence et à l'unité. Mais après avoir multiplié, en vain, les initiatives dans les deux années qui ont suivi le conflit, elle se garde de toute critique ou même de toute proposition. "La situation actuelle va probablement durer pendant un bon bout de temps: le spectateur non engagé qu'est la France n'a pas d'intérêt à mettre le petit doigt dans l'engrenage irakien ou à donner des coups de pied dans le tibia des Américains", explique François Heisbourg, de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS).

La France préfère privilégier son rapprochement avec les Etats-Unis, collaborant étroitement avec ce pays sur d'autres dossiers brûlants comme la Syrie et l'Iran. Elle s'abstient de toute critique d'autant plus aisément que les responsables américains sont désormais contraints de faire eux-mêmes les constats douloureux. L'ambassadeur américain à Bagdad, Zalmay Khalilzad, a déclaré la semaine dernière que son pays avait "ouvert une boîte de Pandore" en Irak, reprenant mot pour mot les propos prononcés en septembre 2004 par le président Jacques Chirac. Il a également annoncé que les forces américaines se retireraient d'Irak sans garder de base militaire permanente et qu'il dialoguait avec les "hommes armés" et s'apprêtait à discuter avec la "résistance qui veut le bien du pays".

Paris a longtemps plaidé pour une "perspective" de départ des troupes étrangères basées en Irak, ainsi que pour un dialogue avec les groupes armés sunnites qui seraient prêts à déposer les armes. "Les Américains se sont rendus aux arguments de la France, mais la France, de son côté, ne veut plus voir les Américains repartir, parce que la situation en Irak pourrait avoir des conséquences terribles pour la sécurité en Europe", estime Antoine Basbous, de l'Observatoire des pays arabes. En outre, "continuer à étaler son incapacité à modifier le comportement des Américains n'est pas quelque chose de formidable", relève François Heisbourg, pour qui les Français ont compris qu'ils n'avaient "pas intérêt à étaler leur impuissance". Paris avait dû annuler en novembre 2004 l'essentiel de sa part de la dette extérieure irakienne, alors qu'elle s'était promise de ne pas aller au-delà de 50% et n'avait obtenu que des concessions symboliques à la conférence de Charm el-Cheikh le même mois.

Pour Didier Billion, de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), "la France n'a pas su capitaliser, sur l'échiquier international et dans le monde arabe, le beau combat qu'elle avait livré aux Nations unies", symbolisé en 2003 par un discours enlevé du ministre des Affaires étrangères de l'époque, Dominique de Villepin. "Les efforts de Paris pour revenir en bonne grâce auprès de Washington n'ont pas été bien compris par une partie de ceux qui l'avaient soutenu", fait-il valoir.

Mais "capitaliser sur sa position d'il y a trois ans, reviendrait à dire aux Américains 'Retirez-vous' et favoriser ainsi la guerre civile et l'installation du chef d'al-Qaïda en Irak, Abou Moussab al-Zarqaoui, pour faire de ce pays ce qu'a été l'Afghanistan pour Ben Laden", résume Antoine Basbous.

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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