Terrorisme à Paris et Copenhague: «Des actes qui vont se répéter en Europe»
Paris hier, Copenhague aujourd'hui… avec dans les deux cas la liberté d'expression et la communauté juive visées à l'arme de guerre : frappantes, les similitudes ont été largement soulignées, hier, jusqu'au sommet de l'état. «Ce sont les mêmes cibles», a ainsi insisté François Hollande. De fait, l'Europe est-elle confrontée à un phénomène “d'attentats mimétiques”, redouté par tous les spécialistes du terrorisme ? La question revient-elle aussi en boucle.
«Il y a forcément une dimension de mimétisme, mais selon moi, il y a surtout un mot d'ordre de multiplier ce genre d'opération avec ce mode opératoire dans plusieurs capitales occidentales et européennes, notamment les capitales qui sont considérées par les jihadistes comme ayant commis l'affront de caricaturer le prophète», analyse pour sa part le politologue Antoine Basbous, spécialiste du monde arabe, de l'islam et du terrorisme islamiste, rappelant que plusieurs autres pays européens au-delà de la France, visée à Toulouse et Paris, ont déjà fait l'objet d'attaques jihadistes : «l'Angleterre, l'Espagne et la Belgique». «Quant à l'Italie ou l'Allemagne, du fait de leurs engagements extérieurs, il y a beaucoup de raisons pour qu'elles soient aussi ciblées», ajoute-t-il, précisant, «ces terroristes agissent surtout en fonction des opportunités qui s'offrent à eux plutôt qu'en suivant un calendrier.»
Concernant Copenhague ? «Pour ce débat intitulé Art, Blasphème et Liberté, il y avait le caricaturiste Lars Vilks, déjà menacé de mort, mais aussi l'ambassadeur de France et une militante femen, soit, en tout, trois cibles privilégiées pour tout commanditaire jihadiste. Mais ce qui est certain, dans les deux cas, c'est que l'on s'est retrouvé face à des gens parfaitement entraînés et armés. Les tirs groupés sur la porte du centre culturel de Copenhague en attestent et rappellent ce qui s'est passé à Paris : ce type d'attentat est perpétré par des hommes aguerris et qui savent manier des armes d'assaut dès qu'on leur en donne l'ordre».
Des terroristes qui appliquent en fait le manuel de l'un des premiers et principaux idéologues de Daech, Abou Moussad al-Souri, théoricien du «nouveau jihad». Des cellules autonomes, sans liens, mais avec un commandement central et opérant là où elles vivent, en visant des cibles symboliques, Juifs, artistes, “mauvais musulmans” ou représentants de l'état afin d'obtenir une médiatisation maximum et engendrer un climat de guerre civile clivant la société… «Qu'il vienne de Daech ou d'Al Qaïda Péninsule Arabique, le mot d'ordre est le même. Quand bien même les deux organisations ont pu être en rivalité ailleurs, en Syrie, au Yemen, elles sont associées sur le territoire européen et peuvent se donner des coups de main. Pour ce qui concerne l'auteur des attentats de Copenhague, il sera important de savoir comment il s'est radicalisé et s'il est passé par la Syrie ou en Irak, territoires sous le contrôle de Daech ; par la Libye, où AQMI a encore ses bases ; ou au Yemen, comme l'un des frères Kouachi, Yemen où AQPA contrôle les camps de formation jihadistes. Mais sur ce dernier point, une bonne partie d'AQPA vient officiellement de se ranger aux côtés de Daech», note Antoine Basbous.
Quant à quantifier la menace potentielle, le nombre de «perdants radicaux» attendant de pouvoir frapper… «Impossible à dire, pour la France, on sait qu'il y a eu à peu près 1 200 départs et environ 70 morts mais aussi des gens qui sont revenus, qui sont sous les verrous, ou sous surveillance, ce qu'on peut noter, aussi, c'est qu'un petit pays comme la Belgique fournit un contingent de jihadistes disproportionné par rapport à sa taille.
Mais on sait aussi qu'il y a au moins une cinquantaine de manifestations par jour qui pourraient être des cibles et qu'il n'y a pas 50 attentats par jour. On reste donc face à des actes disséminés mais qui vont devenir répétitifs», conclut-il.
recueilli par Pierre Challier (La Dépêche)