29/02/2016 Texte

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SYRIE / Cessez-le-feu précaire dans la poudrière du monde

Cinq ans de massacres, des millions de réfugiés, l’installation de Daech, qui organise des attentats terroristes en Europe et prend pied en Libye. Le conflit syrien (et irakien) est suspendu à un cessez-le-feu précaire.

 

« C’est le repos du combattant. Mais je doute qu’il tienne très longtemps. » Antoine Basbous, directeur de l’Observatoire des pays arabes, ne croit pas à la solidité de la trêve en Syrie. Il n’a pas été démenti par les faits hier : des avions sans doute syriens et russes ont bombardé à l’aube six localités de la province d’Alep et une de celle de Hama en réplique à des tirs du groupe islamiste Al-Nosra. « N’oublions pas que le cessez-le-feu est sélectif », rappelle le politologue. « Il ne s’applique ni à Daech, ni à Al-Nosra, qui est affilié à Al-Qaïda. Cela crée des divergences d’interprétation. Il est facile de prétendre qu’Al-Nosra, par exemple, infiltre telle ville rebelle pour reprendre les bombardements ». Or, analyse Antoine Basbous, « la logique de ce qui s’est passé jusqu’à présent condamne le nord de la Syrie à revenir dans le champ pro-iranien. Tant que le secteur entre Lattaquié, Alep et la Turquie sera aux mains des rebelles, il n’y aura pas de cessez-le-feu viable. La cartographie ne correspond pas à la finalité des choses. » Et de remarquer que les Américains et les Russes « continuent d’échanger leurs cartes et négocient ferme. »

 

Pas la fin des migrations

Antoine Basbous ne fait pas preuve de plus d’optimisme en ce qui concerne le flux de migrants. « 2,7 millions de Syriens sont en Turquie. Le réservoir est prêt à déborder ! Malgré ses gesticulations, la Turquie est isolée. Elle est condamnée à avaler couleuvre sur couleuvre. La seule chose qu’elle puisse faire est d’ouvrir les vannes des migrants vers la Grèce pour se venger des Européens qui n’ont pas accepté la création d’une zone d’exclusion aérienne en Syrie afin que les réfugiés puissent rester sur place. » Et d’annoncer dans deux mois, quand la Méditerranée sera plus calme, une nouvelle vague de migrants vers le continent européen.

Sur le risque de voir une guerre mondiale éclater depuis la Syrie, le directeur de l’Observatoire des pays arabes est rassurant. Selon lui, la signature de l’accord sur le nucléaire iranien a levé l’hypothèque d’un conflit plus global. « La menace israélienne de bombarder les installations iraniennes n’est plus d’actualité. » Et d’ajouter : « Pour ce qui est de l’Irak et de la Syrie, Obama ne bougera pas le petit doigt, l’Arabie saoudite et la Turquie n’oseront pas affronter la Russie, et l’Otan ne viendra pas. »

Antoine Basbous ne cache pas sa déception devant la « lâcheté » des Occidentaux, et surtout de Barack Obama. « 100 000 soldats et officiers syriens ont déserté les troupes du régime. Si les Occidentaux avaient soutenu l’opposition pour laquelle ils ont organisé tant de conférences, ces 100 000 soldats auraient pu constituer une force capable de renverser Assad. » Au lieu de cela, constate Antoine Basbous, John Kerry (le secrétaire d’État US) « a agi et continue d’agir en boy-scout ».

Patrick Fluckiger (Le Progrès)

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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