24/08/2022 Texte

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Visite d’Emmanuel Macron en Algérie : « Cette visite peut permettre aux deux pays de rétablir la confiance mutuelle »

Emmanuel Macron se rend trois jours en Algérie, du 25 au 27 août, à l’invitation de son homologue, Abdelmadjid Tebboune. Le président de la République entend «refonder» durablement la relation entre la France et l’Algérie, après plusieurs mois de brouille diplomatique, a fait savoir l’Elysée. Pour Antoine Basbous, fondateur et directeur de l’Observatoire des pays arabes (OPA), « les relations franco-algériennes ont toujours été très volatiles ».

Près de quatre ans après sa dernière visite, Emmanuel Macron est attendu en Algérie pour une visite de trois jours à partir du 25 août. Après plusieurs mois de tensions diplomatiques avec Alger, le président français, invité par son homologue, Abdelmadjid Tebboune, espère « refonder » durablement la relation entre les deux pays. Réduction des visas accordés aux Algériens, question mémorielle, partenariats économiques et approvisionnement en gaz des Européens… Pour comprendre les enjeux de cette visite, 20 Minutes a interrogé Antoine Basbous, fondateur et directeur de l’Observatoire des pays arabes (OPA).

Pourquoi Emmanuel Macron va-t-il en Algérie ?

Le président français a été invité par son homologue, mais lui aussi veut améliorer les relations bilatérales entre les deux pays, rétablir la confiance. Les relations franco-algériennes ont toujours été très volatiles, même avec Jacques Chirac. Elles viennent de passer dans des moments de bourrasque depuis septembre 2021.

La brouille a débuté à l’automne 2021 quand Emmanuel Macron a reçu des Franco-Algériens à l’Elysée. Il a accusé le système « politico-militaire » algérien d’entretenir une « rente mémorielle » et il a mis en doute l’existence de l’Algérie avant la colonisation. En réponse, l’Algérie a retiré son ambassadeur de France et a interdit aux avions militaires de survoler son territoire pour se rendre dans le Sahel, notamment au Mali. Cette visite peut permettre aux deux pays de rétablir la confiance mutuelle, mais il faut rester vigilant, la lune de miel peut rapidement tourner à l’orage.

Quels sont les enjeux de sa visite ?

Il y en a plusieurs. Il y a celui de l’approvisionnement en gaz à cause de la guerre en Ukraine. L’Algérie a des réserves, mais elles sont limitées, elle ne pourra pas approvisionner toute l’Europe et elle en a déjà promis à l’Italie.

Ensuite, il y a la question des visas. Paris avait réduit de 50 % le nombre de visas accordés à l’Algérie à l’automne dernier en réponse au manque de coopération des consulats algériens en France pour renvoyer leurs ressortissants expulsés de l’Hexagone. Alger veut revenir aux quotas d’avant et pour cela coopère beaucoup mieux, la France va devoir desserrer l’étau.

Il y a aussi des enjeux économiques, mais ils sont moins importants qu’avant. Les parts économiques de la France en Algérie s’effritent depuis plusieurs années, au profit de l’Italie et de la Chine qui sont devenus de plus gros partenaires.

Il y a évidemment la question mémorielle. Emmanuel Macron a fait un pas pour activer les mémoires bilatérales, il y a eu le rapport Stora, des reconnaissances, comme quand il avait qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité ». Mais l’Algérie n’a pas saisi cette main tendue. Une partie des dirigeants algériens cultivent, ruminent le passé et n’ont pas envie d’abandonner. Cent trente-deux années de colonisation et une guerre de sept ans, ça laisse des traces profondes.

Pourquoi cette visite est-elle importante diplomatiquement pour Emmanuel Macron ?

Les relations avec l’Algérie sont importantes pour Emmanuel Macron, c’est un pays voisin avec un brassage démographique intense et un partenaire économique. Combien sont-ils de Français d’origine algérienne ? Combien d’Algériens résident en France ? Il y a une particularité des relations entre les deux pays, depuis toujours. C’est un pays avec lequel on a une histoire commune, un flux d’affaires et un flux démographique important.

D’ailleurs, Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune ont de bonnes relations personnelles. Malheureusement, en Algérie, le président n’est pas le décideur ultime, il est souvent le porte-parole des décideurs. C’est la particularité de la position du chef d’Etat algérien, il n’incarne pas son Etat. Abdelmadjid Tebboune va devoir s’accorder avec ses généraux pour que les engagements pris soient tenus. Après, est-ce qu’Emmanuel Macron va réussir à convaincre les décideurs algériens ? Combien de temps l’embellie va-t-elle durer ? Même si le président français est doué pour convaincre, c’est difficile de prévoir combien de temps l’éclaircie va durer ni quand le prochain orage va s’abattre sur les relations bilatérales.

20 Minutes

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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