08/10/2000 Texte

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« Un risque très sérieux de guerre limitée »

Existe-t-il aujourd'hui un risque de guerre au Proche-Orient ?

Antoine Basbous. Oui. Il y a un risque très sérieux de guerre limitée. Depuis 35 ans, la frontière libano-israélienne n'a connu que 4 mois de répit, entre mai 2000 et hier. C'était auparavant le territoire des Palestiniens puis des miliciens du Hezbollah. Depuis mai, le gouvernement libanais refuse de déployer son armée pour contrôler le Sud. Tout simplement parce que la Syrie ne le veut pas : elle tient, en effet, à garder une mèche toujours prête à s'enflammer. Aujourd'hui, alors que l'armée syrienne subit des pressions pour quitter le Liban, Damas rallume la mèche en ordonnant aux Palestiniens et au Hezbollah de rompre le statu quo. La Syrie déstabilise le Liban pour justifier le maintien de son occupation. En même temps, elle rend un service inestimable à Israël.

Pourquoi ?

Antoine Basbous. Ehud Barak va pouvoir attaquer le Liban impunément, parce qu'il avait averti auparavant que cette frontière devait rester calme Sa probable riposte représente une précieuse diversion. S'il est condamné violemment par la communauté des nations pour avoir réprimé les Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza, cette même communauté ne lui reprochera guère de riposter à des attaques venant du Sud-Liban.

Le jeu n'est-il pas un peu risqué pour Barak ?

Antoine Basbous. Ehud Barak dirige un gouvernement extrêmement affaibli, il doit montrer à son opinion qu'il est capable de fermeté. Comme je vois mal le Hezbollah céder à l'ultimatum israélien en libérant les soldats capturés, je pense que Barak va frapper et je crains fort qu'il ne frappe que le Liban. Or le Liban dans cette affaire n'est pas décisionnaire, il exécute les ordres de Damas.

La Syrie ne va-t-elle pas s'engager dans le conflit ?

Antoine Basbous. Non, le rapport de force est très favorable à Israël. De plus elle se trouve aux prises avec une succession fragile (NDLR : celle du président Assad par son fils Bachir) et est affaiblie économiquement. Je ne la vois pas entrer de son propre gré dans une confrontation avec Israël. En revanche, une guérilla à travers le Liban, ça n'engage pas les Etats, et on revient au scénario d'avant mai 2000.

Qui peut enrayer ce scénario ? Bill Clinton ?

Antoine Basbous. Il faut distinguer le front israélo-libanais du front israélo-palestinien. Le problème relatif à ce dernier est aggravé parce que ses trois grands acteurs sont affaiblis : Clinton est sur le départ, Barak n'a plus de majorité, Arafat est à la fois très fatigué et n'est plus totalement crédible vis-à-vis de son peuple. Aussi les choses dégénèrent.

Et la France ?

Depuis que Barak a accusé Jacques Chirac d'avoir soutenu les positions d'Arafat au cours des réunions tenues à Paris cette semaine, la France a perdu son statut d'intermédiaire agréé par les deux parties.

(*) Auteur de « l'Islamisme, une révolution avortée ? » Editions Hachette.

Propos recueillis par Henri Vernet

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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