02/08/2001 Texte

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L’escalade au Proche-Orient

« La guerre paraît inévitable »

L'escalade de la violence risque-t-elle de déboucher sur une guerre ?

Antoine Basbous
: Oui. Le passage de l'actuelle guerre d'usure à la guerre tout court me paraît inévitable, même si les moyens des deux adversaires sont totalement disproportionnés : Tsahal mène une guerre très technique, alors que les Palestiniens ont recours aux armes du désespoir. Mais Israël s'efforce de retourner l'opinion internationale, de la persuader qu'elle fait face à une agression. Ainsi, le jour J, lorsque surviendra un attentat palestinien coûteux en vies humaines, Israël pourrait déclencher une vaste opération, en évitant trop de dégâts pour son image.

Qui a intérêt au conflit ?

Antoine Basbous: Les deux parties se sont radicalisées, la rupture politique est consommée. Les Palestiniens ont conscience qu'ils n'obtiendront rien avec Sharon. Celui-ci revient sur toutes les promesses de Barak, n'offre que 45% de la Cisjordanie et de Gaza. Or les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, auxquelles s'accrochent les Palestiniens, leur attribuent l'intégralité des territoires, et sans implantations juives.

Que peut faire la communauté internationale ?

Antoine Basbous: Il n'y a plus d'arbitrage international. Sous Clinton, l'Amérique était un partenaire capable de rapprocher les points de vue. Avec Bush, Washington est absent. L'Europe peut-elle occuper la place ? Les Etats-Unis sont la seule puissance à pouvoir peser sur Israël. Les tournées d'Arafat en France et en Europe ne servent qu'à entretenir sa légitimité auprès des siens, à maintenir visible le drapeau de la Palestine sur la scène mondiale. Mais l'unique objectif d'Arafat est d'être reçu à la Maison-Blanche. Or l'administration Bush ne veut pas s'impliquer.

Washington a pourtant condamné le raid israélien contre le Hamas, mardi...


Antoine Basbous: Cela reste verbal. On ne voit pas les Etats-Unis prendre des sanctions, pas plus que l'Europe. Les pays arabes eux-mêmes sont loin de décider de véritables mesures de rétorsion.

A quoi ressemblerait une guerre ?


Antoine Basbous: On peut imaginer de coûteuses opérations coup de poing, pour «nettoyer» les territoires palestiniens de tout l'encadrement OLP et des mouvements de guérilla apparus avec l'Intifada. L'autorité d'Arafat serait démantelée.

Qui dirige les Palestiniens, Arafat ou les islamistes ?

Antoine Basbous: C'est très partagé. Yasser Arafat n'a pas obtenu les résultats escomptés : les Palestiniens se sont appauvris, les promesses du processus de paix n'ont pas été tenues, le désespoir n'a jamais été aussi grand. Le Hamas et le Djihad, eux, vendent de l'espoir, mêlé de sang et de violence.

Le conflit peut-il s'étendre à la région ?

Antoine Basbous: Tout conflit peut entraîner des déplacements de population. L'Intifada a déjà provoqué le départ, depuis septembre dernier, d'environ 100 000 Palestiniens vers la Jordanie. Dans ce pays, le sentiment national en faveur d'un soutien plus affirmé aux Palestiniens ne cesse de monter, certains exigent une rupture diplomatique avec Israël. Le régime jordanien, tout comme le régime égyptien, peuvent se retrouver en difficulté.

Et la Syrie ?

Antoine Basbous: Elle est plus à l'aise, car le régime joue la radicalité par rapport à Israël, s'affirme comme le plus intransigeant des pays arabes. Mais Damas n'a pas les moyens militaires d'un conflit armé. Aucun Etat arabe n'est en mesure de menacer Israël sur ses frontières.

Propos recueillis par Henri Vernet

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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