16/02/2005 Texte

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La fuite en avant de la Syrie

« Sud Ouest ». La Syrie et Israël sont désignés comme les éventuels responsables de l'attentat dans lequel Rafic Hariri a trouvé la mort. Quel est votre sentiment?

Antoine Basbous
. La Syrie ne supporte pas l'idée d'un axe patriotique au Liban avec des chrétiens, des musulmans, des hommes de droite et de gauche, qui se rallient à la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l'ONU et qui réclament son départ. Dans ce contexte, j'exclus complètement l'hypothèse d'Israël et je ne regarde que du côté de la Syrie.

Pourquoi s'en prendre justement à Rafic Hariri ?

Pour la Syrie, Hariri tenait le rôle du traître. Il soutenait la résolution et il apportait le poids majeur de la communauté sunnite à cette demande de retrait. En même temps, Rafic Hariri représentait une capacité de nuisance énorme : il y avait dans son agenda les numéros de téléphone d'une cinquantaine de chefs d'Etat, de George W. Bush à Jacques Chirac en passant par Schroder ou Moubarak. C'était un capital important pour la résurrection du Liban dans l'hypothèse où la résolution 1559 serait vraiment appliquée. Pour la Syrie, il fallait absolument casser cette dynamique. Il fallait réintroduire la peur, terroriser tous ceux qui réclament son départ en frappant fort. C'est pour cette raison qu'elle a visé l'homme que l'on croyait à l'abri d'une attaque parce qu'il était l'ami des grands de ce monde.

Fallait-il s'y attendre ?

Les Français et les Américains avaient mis en garde la Syrie contre toute attaque contre les membres de l'opposition libanaise. Deux noms avaient tout particulièrement été cités : Hariri et Joumblatt.

Dans ce cas-là, les Syriens auraient pris un gros risque ?

Pour la Syrie, accepter le retrait, c'est de toute façon prendre un très gros risque. Si elle quittait le Liban, elle se priverait de toutes les recettes qu'elle tire de ce pays. Elle se priverait de ce rayonnement, de cette carte majeure que lui procure cette occupation. Du coup, le régime minoritaire syrien perdrait sa raison d'être et tomberait. Là, il tente le tout pour le tout. La Syrie se lance dans une fuite en avant pour pouvoir dire aux Occidentaux : « Nous ne sommes plus sur le plan politique et diplomatique, nous sommes dans un concours de sang. Voilà de quoi nous sommes capables. Quelle est votre réponse ? »

Quelle peut être la réponse du Liban ?

L'opposition a eu le courage d'accuser les Libanais et les Syriens de cet assassinat, de demander qu'ils ne soient pas présents aux obsèques et de continuer à réclamer le retrait des Syriens. Les opposants prennent des risques. Ils ont du courage. Maintenant, il va falloir organiser les élections parce qu'en s'attaquant à Hariri, les Syriens ont aussi voulu ce scrutin pour maintenir le statu quo.

Mais le gouvernement libanais a fait savoir hier que les élections législatives auraient bien lieu en mai...

Il est encore trop tôt pour le dire. Ce qui est sûr, c'est que ceux qui veulent empêcher ces élections veulent gagner trois nouvelles années de bloc syro-libanais hostile à tout changement.

Qu'attendez-vous de la communauté internationale ?

Elle ne doit plus rester au niveau de la parole. Il faut passer aux actes, faire voter une nouvelle résolution avec des mesures concrètes de rétorsion contre ce régime. Et même envisager de remplacer dans l'immédiat, et ne serait-ce que pour un court délai, les Syriens par des forces multinationales qui prendraient en main la sécurité au Liban.

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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