11/06/2000 Texte

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Hafez El-Assad : « Un bouleversement majeur dans tout le Proche-Orient »

Qui était vraiment Hafez al-Assad ?

Antoine Basbous. Hafez al-Assad, que l'on pourrait qualifier de dictateur arabe absolu, était le Machiavel du Proche-Orient. Il aura en effet réussi plusieurs tours de force :

1.     Régner sur une Syrie où les Alaouites (sa communauté) étaient pourtant minoritaires.

2.     Annexer de facto le pays voisin, le Liban, où stationnent aujourd'hui plus de 35 000 soldats syriens et vivent plus d'un million de Syriens !

3.     S'imposer comme le leader du Front du refus tenant la dragée haute à Israël.

Qu'est-ce que sa mort va changer au Proche-Orient ?


Antoine Basbous. Sa disparition va provoquer un bouleversement majeur de toute la politique au Proche-Orient. Pour les Palestiniens, c'est plutôt une bonne chose : la hargne qui opposait Assad à Arafat disparaît et, du coup, cela va permettre une rencontre au sommet. Avec les Israéliens, en revanche, le nouveau dirigeant syrien ne pourra rien négocier de sérieux au sujet du plateau du Golan tant qu'il n'aura pas véritablement assis son pouvoir à Damas car il sera accusé de brader les intérêts du pays. En Syrie enfin, le départ d'Assad, qui gouvernait d'une main de fer, va créer un grand vide et entraîner d'énormes remous pour la succession entre son fils Bachar, dont il devait assister à l'intronisation à l'occasion du congrès du Parti Baas, le 17 juin, et le vice-président Khaddam notamment. La succession risque donc de se faire par césarienne, dans la douleur.

Cette succession n'est-elle pas déjà réglée ?


Antoine Basbous. Pour assurer l'ascension de Bachar – depuis la mort de son frère aîné Bassel, en 1994 –, il a fallu évincer la vieille garde du régime. C'est ainsi que le Premier ministre syrien, qui était à la tête du gouvernement depuis treize ans, a été chassé du pouvoir en février, évincé du Parti Baas en avril puis déféré devant la justice, et que plusieurs ministres sont aujourd'hui en prison. La mort précipitée d'Hafez al-Assad va cependant ébranler le scénario qu'il avait imaginé. L'Assemblée syrienne peut bien adopter toutes les révisions constitutionnelles qu'elle veut, la légalité ne fera pas la légitimité du nouveau pouvoir pour autant.

(*) « L'Islamisme, une révolution avortée ? », d'Antoine Basbous, Hachette, 285 pages, 120 F.

Propos recueillis par Bruno Fanucchi

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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