14/09/2001 Texte

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L'Amérique revoit sa doctrine militaire

Le gigantesque programme de « bouclier » antimissile cher à George W. Bush est-il menacé après les attentats, mardi, de New York et de Washington ? Pas si sûr, car même si la preuve est faite qu'il est aisé de contourner tous les systèmes de défense, aussi perfectionnés fussent-ils, l'administration Bush peut tirer argument de la récente tragédie pour faire valoir sa doctrine sécuritaire. « Il y a deux effets possibles, estime Guillaume Parmentier, directeur du Centre franco-américain de l'Institut français des relations internationales (IFRI). Soit certains jugeront inutile de dépenser des sommes faramineuses pour le « bouclier » antimissile et plaideront pour réserver ces dernières à la protection de la population ; soit la prise de conscience de la vulnérabilité du pays sera telle que d'aucuns voudront que les Etats-Unis soient en position de se défendre contre toute agression ». Les tenants de cette thèse, dont on devine aisément qu'elle devrait être défendue dans le camp républicain, souligneront la nécessaire complémentarité entre tous les systèmes de défense, traditionnels ou futuristes.

« Prêts à subir des pertes »

S'il semble un peu tôt pour savoir dans quel sens évoluera la doctrine militaire américaine globale, un des éléments de celle-ci, la théorie du « zéro mort », fondement des actions américaines de ces dernières années, apparaît en tout cas dépassée.

« Les Etats-Unis ne peuvent s'abstenir de riposter. S'ils utilisent des fantassins sur le terrain, comme c'est envisageable, dans ce cas de figure la doctrine américaine de "zéro mort" doit être revue », estime Antoine BASBOUS, directeur de l'Observatoire des Pays Arabes. « Quand l'enjeu est l'existence même du pays, les Américains sont prêts à subir des pertes. Il y aura un soutien fort du peuple. La doctrine du "zéro mort" n'est valable que lorsqu'il n'y a pas d'enjeu interne », confirme Steven Ekovich, professeur à l'American University of Paris.

Au-delà de la doctrine, George W. Bush aura aussi besoin de moyens. Bien avant les attentats, il avait demandé, dans le cadre de la préparation du budget 2002, que l'enveloppe de la défense soit abondée de 18 milliards de dollars, dont 3 milliards pour la défense antimissile. Jean-François Daguzan, de la Fondation pour la recherche stratégique, le General Accounting Office (équivalent américain de la Cour des comptes), évalue l'ensemble du programme de défense antimissile NMD à 60 milliards de dollars en estimation basse. Ce coût sera-t-il supportable alors que la conjoncture demeure plus que morose et que les excédents budgétaires fondent comme neige au soleil ? « Washington ne pourra pas rester uniquement sur sa doctrine de défense antimissile, mais on gardera quand même ce programme », avance Steven Ekovich.

Montant envisageable

Hier, les parlementaires du Congrès s'étaient mis d'accord pour approuver une enveloppe budgétaire d'urgence de 20 milliards de dollars. « Le président aura ce dont il a besoin en termes de ressources et d'autorité », insistait hier le responsable démocrate Richard Gephardt, qui confirmait que le chiffre de 20 milliards de dollars était envisageable. Pour Steven Ekovich, « de toute évidence, le Congrès sera très bien disposé, après ce qui s'est passé. Une partie de ce budget ira notamment à la lutte antiterroriste et au renseignement, notamment humain, après les critiques qu'ont essuyées les services américains ».

Alain Baron

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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