17/09/2001 Texte

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Les Etats-Unis vont traquer les mécènes du terrorisme

Washington choisit l'asphyxie avant, ou en sus de la guerre. Le département américain du Trésor a annoncé vendredi la création d'une cellule interministérielle qui aura pour mission d'assécher les sources de financement des réseaux terroristes. « Cette cellule vise à accroître notre capacité à identifier les groupes terroristes étrangers, à établir et évaluer leurs méthodes pour lever des fonds ainsi qu'à fournir les informations permettant à nos services de connaître la manière dont ces fonds sont transférés », a expliqué le sous-secrétaire au Trésor chargé de la lutte contre les fraudes. La tâche s'annonce ardue.

« Si les réseaux de financement étaient connus, les sanctions seraient déjà tombées », remarque en effet Antoine Basbous, le directeur de l'Observatoire des pays arabes. « On ne sait pas comment ça se passe et il est donc difficile de faire pression sur les pouvoirs locaux », note le spécialiste du Moyen-Orient. Si, officiellement, aucun pays ne finance les activités d'Oussama ben Laden, beaucoup de dons affluent sur les multiples et tortueux comptes du « banquier du djihad ». De l'argent proviendrait notamment des trois seuls pays (Arabie saoudite, Pakistan, Emirats arabes unis) ayant reconnu le gouvernement des talibans qui abritent Ben Laden.

Dans son livre intitulé « Les Dollars de la terreur », Richard Labévière évoque notamment « l'initiative privée de certaines grandes familles », et notamment les onze grandes familles saoudiennes, ainsi que d'importantes entreprises du monde arabo-musulman. Selon lui, « ces acteurs privés justifient le plus souvent leurs dons et leurs interventions par l'obligation de l'aumône, la "zakat" », qui sert notamment au financement du projet politique de la propagation de l'islam.

« Blanchiment à l'envers »

Richard Labévière identifie « les potentialités et les impulsions de financement les plus importantes et les plus efficaces » chez les monarchies pétrolières du Golfe et notamment en Arabie saoudite. Ces pays ont commencé à financer l'islamisme sunnite à partir du boom pétrolier des années 70, avec la création de banques islamiques qui organisent les flux financiers locaux selon les contraintes du droit islamique. Afin de mettre en oeuvre la « daa'wa » (la propagation de l'islam), ces institutions investissent massivement dans le capital des entreprises et financent de grands programmes de développement agricole, rural et de santé, par le biais de certaines ONG. Les experts parlent de « blanchiment à l'envers » où, contrairement au circuit des narcodollars, de l'argent propre est introduit dans un complexe réseau d'investissements pour devenir « sale » en contribuant, notamment, au financement d'organisations terroristes.

Ce week-end, les autorités politiques de la région se sont empressées de démentir tout lien avec les réseaux terroristes. Samedi, dans un message adressé au président américain, le président des Emirats arabes unis, Zayed ben Sultan al-Nayan, a affirmé que son pays était prêt à participer à toute campagne contre le terrorisme. « Les Emirats sont en train de reconsidérer leurs relations avec l'Afghanistan à la lumière des derniers développements », a ajouté une source officielle à Abu Dhabi. Riyad tient le même discours. Le Soudan, qui avait accueilli Oussama ben Laden entre 1990 et 1995, s'est, lui, prononcé pour « toute forme » de lutte contre le terrorisme choisie par la communauté internationale. Alors que se négocie actuellement à Washington le « Sudan Peace Act », une loi qui interdirait aux compagnies pétrolières étrangères impliquées au Soudan de lever des capitaux aux Etats-Unis ou de figurer au New York Stock Exchange, Khartoum ne peut se permettre de se tromper de camp.

De son côté, le ministre pakistanais des Affaires étrangères, Abdul Sattar, a assuré samedi que le Pakistan apporterait son « soutien total » à la communauté internationale dans ses efforts pour lutter contre le terrorisme. Le pays, en proie à de sérieuses difficultés économiques, espère tirer un maximum de bénéfices à long terme du « soutien total » promis aux opérations américaines. Le ministre pakistanais des Finances, Shaukat Aziz, s'est, ainsi, dit convaincu que le ralliement d'Islamabad à la coalition dirigée par Washington « aidera » son pays à améliorer son image dans le monde et à obtenir « plus d'argent », soit directement, soit via le Fonds monétaire international ou la Banque mondiale.

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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