29/09/2001 Texte

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Une majorité d’économies dirigées

La dépression économique, tant redoutée depuis les attentats du 11 septembre, ne manquera pas de rejaillir sur les économies extrêmement fragiles du monde arabe. En effet, les principales ressources de ces pays que sont l’exportation des hydrocarbures (ou autres matières premières) pour certains et le tourisme pour d’autres risquent de connaître un net fléchissement. D’ores et déjà, la peur d’une récession en Occident a fait chuter le prix du baril tout en le maintenant à un niveau acceptable. Les Etats pétroliers arabes ont beaucoup souffert avant 1998, date à laquelle le prix du pétrole a décollé des dix dollars le baril. Pendant les trois dernières années, les producteurs arabes ont partiellement reconstitué leurs réserves en devises et épongé certaines de leurs dettes sans pour autant engager leurs économies dans des réformes structurelles.

Plusieurs pays de cette région vont souffrir de la baisse de la fréquentation touristique : le Maroc, la Turquie, Israël, la Tunisie et la Jordanie. Car l’appréhension du voyage en avion n’est pas encore surmontée et la guerre annoncée contre Ben Laden et le terrorisme n’incite pas les touristes à se rendre dans ces contrées. D’ores et déjà, l’Egypte a enregistré plus de 75% d’annulations dans ses hôtels de luxe fréquentés par les Occidentaux.

De tous ces pays, le plus fragilisé est le Liban,

occupé par son voisin syrien depuis plus d’un quart de siècle au nom de la « fraternité ». L’armée syrienne saigne à blanc le pays du Cèdre en l’appauvrissant terriblement. Un million de travailleurs syriens vivent dans ce pays et le colonisent. Les crises politiques, entretenues par l’occupation syrienne, se succèdent et risquent de précipiter le pays dans la faillite économique totale. Cette année, le déficit budgétaire va dépasser les 51% du PIB, et l’endettement, supérieur à 28 milliards de dollars, en représente plus de 175%. Au moment où dans le monde entier on cherche à la fois à lutter contre le terrorisme et à éviter la récession, le Liban risque de sombrer sans attirer la compassion de ses partenaires, d’autant plus que les aides qui lui sont destinées finissent souvent dans les poches des officiers syriens et d’une nomenklatura installée par Damas.

De façon générale, les pays arabes sont extrêmement dépendants de leur produit brut exporté. Ils souffrent de la corruption et d’un manque de libéralisme qui empêchent les investissements étrangers de s’y fixer. En effet, 1% seulement des investissements internationaux sont attirés par les pays arabes. Ces régimes qui ignorent l’alternance poussent leurs élites à chercher un avenir meilleur en Occident. L’endettement des pays arabes est colossal, alors que les privés expatrient leurs richesses au lieu de les investir dans leurs pays d’origine, où l’Etat de droit n’est que fiction. Tout est soumis au bon vouloir des dirigeants politiques et des services de renseignement.

Les échanges entre pays arabes ne dépassent pas les 7% du commerce

global qu’ils réalisent avec le reste du monde. Les multiples accords de coopération économique inter-arabes sont souvent restés lettre morte, alors que la majorité des Etats arabes riverains de la Méditerranée ont signé des accords d’association avec l’Union européenne en s’engageant, entre autres, à respecter les droits de l’homme. Ce qui revient à dire qu’aucun système économique arabe n’est parvenu à se mettre en place depuis la création de la Ligue arabe, en 1945. Ces pays sont appelés à concevoir leurs rapports économiques avec leurs voisins du nord de la Méditerranée, à titre individuel et non en tant que groupe arabe constitué.

La majorité des pays arabes n’ont pas encore abandonné l’économie dirigée, calquée sur le mode soviétique. D’autres, n’ont toujours pas adopté la transparence dans leurs transactions. C’est pourquoi les régimes arabes, réfractaires à la démocratie et la liberté d’entreprendre, ont du mal à entrer dans la modernité. Ainsi, dans plusieurs pays arabes, telle la Syrie, l’acquisition d’un fax nécessite une autorisation préalable de la police. Les ordinateurs sont « suspectés » d’être des instruments de liaison avec « l’ennemi ». Les sites Internet sont considérés, dans plusieurs pays, comme une arme potentielle de subversion. Avant de mettre en place le réseau de téléphonie mobile, plusieurs régimes ont acquis d’abord le matériel d’écoute des communications, afin de pouvoir éplucher les conversations pour que rien ne leur échappe.

Sur 275 millions d’Arabes, 65 millions sont analphabètes, et plus de 70 millions vivent sous le seuil de pauvreté, avec moins de 1 dollar par jour. Les pays arabes battent un autre record : leurs geôles renferment plus de 45.000 prisonniers politiques. L’état d’urgence reste en vigueur dans plusieurs Etats depuis des décennies. Le nombre d’internautes s’élève à environ 500.000 dans l’ensemble du monde arabe, alors qu’Israël (6 millions d’habitants), dépasse ce chiffre.

Comment envisager des jours meilleurs pour ces peuples dont les régimes politiques sont sclérosés et les chefs d’Etat « élus » à une majorité toujours supérieure à 90% des suffrages ? La réponse n’est pas évidente pour des sociétés en crise, doublement humiliées : elles subissent à la fois une certaine forme de tyrannie de la part de leurs gouvernements, et le défi de la modernité occidentale qui s’affiche sur leurs écrans de télévision, reflétant l’aisance d’une société de consommation à outrance. Ce paradoxe explique l’acharnement de la jeunesse arabe, désespérée, à se procurer des visas pour le « paradis » occidental.

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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