13/09/2001 Texte

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Antoine Basbous : " C'est Ben Laden "

Vous avez, dès les premières minutes, désigné Oussama Ben Laden, que les Etats-Unis tiennent également pour responsable de plusieurs attentats antérieurs. Maintenez-vous cette conviction ?

Antoine Basbous. Absolument. Je reste sur mon intime conviction qui est étayée par le passé, par des précédents, par les intentions, par le programme, par le mode opérationnel. Aucun Etat, depuis la fin de la guerre froide, n'ose plus défier les Etats-Unis de cette manière et déclarer la guerre, une nouvelle forme de guerre. Il n'y a pas si j'ose dire d'autres candidats que lui.

Cela veut dire qu'il a largement les moyens de monter une opération de cette envergure ?


Il y a, je l'ai dit, des précédents. C'est un homme qui prépare ses opérations longtemps à l'avance. Il s'était déjà attaqué au World Trade Center en 1993, il avait utilisé des Afghans, des moudjahidin pour faire exposer une voiture en Arabie devant un bâtiment américain en 1995. Il a monté les deux attentats aux ambassades américaines de Nairobi et Dar Es-Salam, simultanés et coordonnés. Il y a enfin l'attentat contre l'USS Cole, le navire de guerre américain dans le port d'Aden. L'an passé, il avait essayé pour le millénaire d'envoyer un commando aux Etats-Unis, arrêté à la frontière canadienne. Il a réussi cette fois à passer à travers les mailles et aujourd'hui on se rend compte qu'il n'y a pas de défense contre cette nouvelle forme de guerre. A quoi servent missiles et satellites si des gens sont capables de retourner contre l'Occident les armes de la modernité occidentale ?

Quels sont ses objectifs ?


Je les ai exposés dans mon livre (1) et j'ai donné son programme. Il déclare dans une fatwa la guerre à l'Occident. Il désigne le grand Satan américain et les deux petits Satan britannique et israélien. Son objectif c'est de défaire la civilisation occidentale qui a fait, selon lui, tant de mal à l'islam comme il a défait, prétend-t-il, l'Armée rouge en Afghanistan.

Peut-il avoir des complicités dans d'autres pays arabes très hostiles aux Etats-Unis ?

Non. Surtout pas Kadhafi. Saddam Hussein non plus qui est un homme très primaire et qui réagit autrement. Non. Mais il est l'enfant du wahhabisme saoudien authentique, ce qui signifie qu'il n'a pas trahit une doctrine extrêmement sévère. En même temps, il a été formé par la CIA à l'époque de l'occupation soviétique en Afghanistan. Il bénéficie de sa grande fortune personnelle comme de l'aide des grands financiers wahhabites saoudiens. Enfin il a trouvé un sanctuaire en Afghanistan.

Faut-il s'attendre à des représailles américaines, précisément en Afghanistan ?

L'Amérique a été frappée dans son cour, à Washington et New York. Ils ne peuvent imaginer de laisser cela impuni. Si Bush recommençait, comme l'avait fait Clinton il y a quelques années, à envoyer quelques missiles en Afghanistan, ce serait un feu d'artifice sans lendemain. A mon avis, l'occident va devoir réviser sa doctrine du " zéro mort ", accepter d'avoir des pertes dans ses rangs et envoyer là-bas des fantassins. Il doit faire face. L'Amérique est concernée au premier chef, mais aussi la Russie avec la Tchétchénie dans laquelle Ben Laden est impliqué, et enfin l'Europe. C'est tout cet ensemble qui est ciblé et qui est en jeu.

(1) Antoine Basbous est l'auteur de l'Islamisme, une révolution avortée ?. (Hachette).

Propos recueillis par Maurice Ulrich

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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