08/10/2001 Texte

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"Il faut attendre pour évaluer les risques de débordement"

Comment analyser la faiblesse des réactions aux frappes américaines dans le monde arabo-musulman?

Les manifestations peuvent arriver. Attendons vendredi prochain, à la sortie des mosquées. Même si tout est contrôlé, il peut y avoir des risques de débordements. D'ailleurs, la semaine dernière au Caire, il y a eu un début de débordement. S'il y a enlisement, guerre d'usure, s'il y a trop de victimes civiles, le mécontentement pourrait s'exprimer dans la rue. Ne l'oublions pas, le ramadan commence début novembre et là, beaucoup de pays arabes ou musulmans qui soutiennent plus ou moins discrètement les Etats-Unis seront très mal à l'aise.

Les dirigeants arabes sont extrêmement prudents. Pourquoi?

Ils sont très mal à l'aise dans cette affaire. Ils avaient rejoint la coalition contre l'Irak il y a onze ans avec la promesse qu'un Etat palestinien serait créé. Aujourd'hui, le nombre de colons israéliens a doublé dans les Territoires. Les dirigeants arabes se sentent donc floués par les Etats-Unis. Surtout, ils sont gênés vis-à-vis de leur opinion publique. Quand, avant le 11 septembre, ces dirigeants se sont rendus à Washington pour rappeler aux Américains leur engagement, Georges Bush a fait la sourde oreille. Il voulait rompre avec la politique de Clinton au Proche-Orient. Après les attentats du 11 septembre, l'opinion publique arabe a quand même montré un certain sentiment de satisfaction. Les dirigeants arabes n'avaient donc pas une grande marge de manœuvre pour rejoindre la coalition.

Espèrent-ils un geste de la part des Etats-Unis?

Leur souhait le plus cher est de voir Ben Laden et les taliban tomber très vite afin que cette page puisse être tournée. Il faudrait aussi que Bush ait un engagement plus précis concernant la création d'un Etat palestinien. Ainsi les dirigeants arabes auraient une facture, une contrepartie, à présenter à leur opinion publique.

L'appel à l'Ouma (la masse unie des croyants) lancé par Ben Laden risque-t-il de trouver écho dans le monde arabo-musulam?


Le leader islamiste fait de son combat un jihad du bon musulman contre les impies: l'Occident chrétien et juif. En fait, Ben Laden a tenu des propos assez similaires à ceux de Bush: soit vous êtes avec moi, soit vous êtes contre moi. Il n'y a pas de troisième voix. Pour l'instant, tout le monde attend de voir si Ben Laden a les moyens de ce qu'il a promis. S'il a dans sa manche une seconde frappe aux Etats-Unis ou contre les intérêts américains, il y a aura sans doutes une tentation de le suivre dans le monde arabo-asiatique.

Recueilli par LUDOVIC BLECHER

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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