11/11/2003 Texte

pays

<< RETOUR

Une riposte purement sécuritaire ne suffira pas

PARIS, 11 nov (AFP) - Une riposte purement sécuritaire après l'attentat qui a fait 17 morts à Ryad, a peu de chances de réussir en Arabie saoudite, où le régime peine à se distancier d'un historique islamisme rigoriste, également revendiqué par les terroristes, avertissent des experts.

"Le problème de la monarchie (saoudienne) est qu'elle ne peut traiter les radicaux que de manière sécuritaire. Elle ne peut pas les attaquer sur le plan religieux", déclare à l'AFP le spécialiste français de l'islam Olivier Roy. Le roi Fahd d'Arabie saoudite a promis lundi d'agir "d'une main de fer" contre les auteurs de l'attentat, le ministre de l'Intérieur s'engageant à "trouver les responsables quel que soit le temps que cela prendra". "Notre religion musulmane n'a rien à voir avec leurs actes criminels", a renchéri le ministre saoudien de l'Information, Fouad Al-Farsi. Mais pour Olivier Roy, il ne s'agit là que d'"une contorsion" dans un pays dominé par le wahhabisme, interprétation rigoriste de l'islam imposée dès 1745 en Arabie par la dynastie des Saoud, après avoir noué une alliance avec Abdel Wahhab. Les wahhabites ont garanti en échange le ralliement des fidèles au régime. "Ils (le régime saoudien) ne changent pas l'enseignement et se contentent d'une surveillance politique", souligne Olivier Roy. "Ils disent seulement aux imams: vous n'avez pas le droit d'attaquer les Américains, la monarchie ou d'appeler au jihad".

"Les Saoud sont coincés", résume de son côté l'expert franco-libanais Antoine Basbous, directeur de l'Observatoire des pays arabes. "Ils sont retranchés derrière les hautes murailles de leurs palais après avoir laissé la gestion de la société aux oulémas et aux wahhabites". "La doctrine est ancrée dans le pays depuis neuf générations", rappelle M. Basbous. "Le désamorçage du wahhabisme n'a commencé de façon sérieuse que le 12 mai dernier après le triple attentat" à Ryad (35 tués). "La révocation de plus de 1.700 imams réfractaires, le contrôle des financements, la collaboration avec le FBI, constituent une véritable évolution mais elle arrive sans doute trop tard". "La société, très imprégnée par le wahhabisme authentique, ne peut pas virer à la même vitesse que le pouvoir", estime Antoine Basbous, en mettant en garde contre les dangers d'une réforme accélérée de la société. "Parfois, quand on opère un malade dans une phase avancée, on risque de le tuer". Au sein de la dynastie des Saoud, tout le monde est d'accord depuis mai "pour garder le pouvoir et combattre l'islamisme jihadiste et tous ceux qui le soutiennent, explique M. Basbous. Mais certains, qui ne sont pas sûrs de remporter cette guerre, préfèrent une trêve, et la recherche d'un compromis".

Des personnalités saoudiennes ont appelé lundi à ouvrir le dialogue avec les militants islamistes. "Un groupe d'érudits et de religieux saoudiens tente de mettre sur pied un mécanisme pour amorcer un dialogue entre le gouvernement et des jeunes qui ont mené des actes de violence afin d'arrêter l'effusion de sang en Arabie", a déclaré à l'AFP cheikh Abdallah Nasser Al-Sobeihi. Et de sauver la monarchie, qui n'a pas été jusqu'à maintenant la cible directe d'attentats. Ce que les radicaux islamistes ont attaqué "ce sont les étrangers en Arabie saoudite", relève Olivier Roy. "Ils s'en sont pris à des (expatriés) arabes cette fois parce que les Américains, derrière trois barrières de sécurité, sont devenus intouchables. (Mais) je n'ai pas entendu parler d'un prince saoudien ou d'un gouverneur assassiné".

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
twitter   |