11/05/2008 Texte

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Liban: Vers «un conflit hyper imbriqué et long»

Ramzi Haidar AFP ¦ Des soldats libanais sont déployés dans Tripoli, le 11 mai 2008

Retour du destroyer américain USS Cole dans les eaux régionales, déclarations inquiètes venant d'Israël et d'Arabie saoudite, le coup de force des partis chiites Amal et Hezbollah sur l'ouest de Beyrouth et les poches de conflit qu'il a entraînées dans le nord du pays et dans le Chouf ne remettent pas seulement en cause les équilibres politiques libanais, ils entraînent aussi une nouvelle distribution des rapports de force à l'échelle régionale. Pour Nadim Shehadi, chercheur à l'Institut Chatham House, la prise de l'ouest de Beyrouth par Amal et Hezbollah ne constitue rien de moins «qu'une attaque directe de Téhéran sur Ryad». Entre les deux capitales, la rivalité est ancienne, profonde et, ces derniers temps, sans cesse réanimée par les velléités nucléaires de l'Iran. Elle trouve à s'exprimer en plusieurs points de la région: en Irak et en Palestine, et, de façon accrue depuis l'automne 2006, au Liban.

«Téhéran a mis un pied en Méditerranée»

Aucun doute, pour Antoine Basbous, directeur de l'Observatoire des pays arabes, avec le succès militaire du Hezbollah dans la capitale libanaise, «Téhéran a mis un pied en Méditerranée». Une victoire à double détente. Car avec l'Iran, c'est aussi la Syrie qui opère un retour en force. Pour Damas, «qui n'a jamais reconnu le Liban (depuis son indépendance en 1943) et qui a dû le quitter, contrainte et forcée en 2005, c'est, évidemment, une manière de se venger».

Rami Khouri, éditorialiste au quotidien Daily Star, voit les choses sous un autre angle: si le dialogue reprend entre majorité et opposition «on pourrait assister à la formation du premier gouvernement d'union nationale du Proche-Orient, entre un camp (l'actuelle majorité) sous influence américaine et un autre (l'opposition) sous influence iranienne».

Un scénario quelque peu illusoire pour le chercheur Joseph Bahout, chercheur associé à Sciences Po Paris :
«Les Saoudiens ont très très mal vécu l'humiliante prise de Beyrouth et ils semblent qu'ils soient en train de pousser le gouvernement à conserver des places fortes, quitte à se servir, comme au Nord, de combattants salafistes qui les déborderont ensuite».

Autrement dit, pousser le gouvernement à laisser s'installer «des guerres de maquis». Et laisser le Liban s'enfoncer dans «un conflit hyper imbriqué et long».

Armelle Le Goff

20Minutes.fr, éditions du 12/05/2008 - 20h00

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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