26/08/2008 Texte

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L’avenir des Français en Afghanistan

Au moment même où nous apprenions la disparition au combat de dix soldats français en Afghanistan, une soixantaine d’Algériens et autant de Pakistanais succombaient à une vague terroriste lancée par des organisations islamistes. L’activité terroriste ne connaît pas de répit. Pire, elle est en nette recrudescence. Au Pakistan, les kamikazes se font exploser même dans les hôpitaux ; en Arabie, un réseau de plus de 700 islamistes présumés a été récemment démantelé ; au Yémen, les bases d’al-Qaida sont réactivées dans le but de transformer le pays en un « nouvel Irak » … Pourtant, la situation en Mésopotamie témoigne d’un reflux des djihadistes, même si l’on ignore s’il est temporaire ou durable. Ce succès est dû au général américain David Petraeus, qui a su retourner les sunnites contre al-Qaida autant qu’il a fait parler les armes. Désormais, le dispositif terroriste de la mouvance islamiste se trouve implanté aux portes de l’Europe, grâce au bastion algérien qui menace de s’étendre à l’ensemble du Maghreb et au Sahel. Il s’appuie sur un terreau fertile, où le discrédit d’un pouvoir politique est proportionnel à l’enrichissement du pays et à une calamiteuse gestion de la rente. Les instructions des dirigeants d’al-Qaida à sa filiale régionale, la QJMI (Qaïdat al-djihad au Maghreb islamique), sont de porter le fer contre le régime, l’industrie des hydrocarbures, les expatriés (notamment les Français et les Espagnols) et contre le Vieux Continent. L’accélération des attaques kamikazes en Algérie et le recours aux méthodes pratiquées en Irak n’augurent rien de bon pour l’espace euro-méditerranéen. C’est dire que l’émotion soulevée en France par la perte de dix soldats ne doit pas cacher la constante poussée de la menace terroriste à l’échelle planétaire, en dépit des analyses qui, à intervalles réguliers, ne cessent de proclamer l’islamisme enterré. Si le drame de nos soldats impose à la coalition en Afghanistan une double révision – tactique, pour l’emploi des forces, et stratégique, pour une nouvelle conception de ses missions et l’accroissement de l’effort de renseignement –, il serait totalement irresponsable de renoncer devant les attaques. Cela récompenserait l’adversaire en lui apportant la preuve qu’il a frappé juste et l’encouragerait à persévérer. Or, un retrait précipité ou prématuré des forces qui agissent sous mandat de l’ONU, tout comme le démantèlement de la coalition, ne ferait que ressusciter l’épicentre du terrorisme en réinstallant les talibans à Kaboul et en restituant ses sanctuaires à un Ben Laden plus aguerri, lesquels avaient servi à entraîner et à planifier les attaques du 11 Septembre. Le pire est que la mouvance talibane afghane connaît une métastase au Pakistan voisin, en profitant du soutien d’au moins une partie des services secrets d’Islamabad (ISI) et de la déstabilisation politique d’un régime en agitation permanente. Les prémices d’une offensive plus intense dans le glacis afghano-pakistanais sont là, grâce au délitement de l’État pakistanais, à la paralysie du gouvernement Karzaï à Kaboul, aux complicités et aux solidarités tribales dont bénéficient les insurgés, à l’arrivée d’un renfort de djihadistes fuyant l’Irak et, surtout, à la contribution massive des recettes du pavot à l’effort de guerre. Il est d’ailleurs scandaleux de constater que l’Afghanistan sous le règne de l’Otan exporte plus de drogue que jadis sous les talibans ! Qu’est-ce qui empêche l’aviation militaire de détruire ces récoltes en y déversant des produits appropriés ? Sept ans après les attentats de New York, et malgré plusieurs centaines de milliards de dollars dépensés pour la lutte contre l’internationale terroriste, la mouvance djihadiste – loin d’être défaite – enregistre une mutation inquiétante. Une guerre d’usure, asymétrique, s’installe dans la durée entre cette nébuleuse d’un côté et les États islamiques et l’Occident de l’autre. Au sein de cette alliance, la difficulté résulte du chantage permanent que pratiquent les régimes islamiques à l’égard de l’Occident pour refuser toute idée de réformes et d’instauration d’un État de droit, pourtant indispensables pour lutter contre les islamistes. Plus que jamais, al-Qaida est incarnée par une idéologie qui inspire ses adeptes, sans devoir s’inscrire dans une structure hiérarchisée, facile à repérer et à démanteler. Internet est devenu son instrument privilégié de communication et de propagande, faisant office de chaîne de commandement. Ne nous trompons pas d’enjeux : abandonner l’Afghanistan au mollah Omar et à Ben Laden ne ferait que récompenser leur idéologie criminelle et les encourager à commettre d’autres 11 Septembre. L’onde de choc de leur succès pourrait alors faire basculer une bonne partie des États islamiques, à commencer par un Pakistan doté de l’arme nucléaire. La contamination pourrait très vite toucher les monarchies du Golfe, avant de gagner nos partenaires en Méditerranée. L’échec en Afghanistan n’est pas une fatalité pour la coalition : elle a les moyens de sortir gagnante de la confrontation, à condition de se donner le temps, les moyens et, surtout, de réviser ses méthodes. La guerre moderne ne doit pas oublier le recours aux modes traditionnels : diviser l’ennemi, retourner une partie contre l’autre, et remporter le combat des idées. Aucun dirigeant responsable ne peut oublier les crimes de l’islamisme belliqueux. L’éventuel succès des talibans et d’al-Qaida constituerait une régression pour l’Islam et les musulmans, et surtout une menace pour la paix mondiale. N’en doutons pas : la France se doit d’assumer sa part dans ce combat pour contenir l’internationale du terrorisme islamiste loin de son territoire.

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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