09/01/2009 Texte

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Le conflit de Gaza risque de renforcer les radicaux au Proche-Orient

PARIS, 9 jan 2009 (AFP) - Le conflit de Gaza risque de modifier les délicats équilibres au Proche-Orient au profit des mouvements extrémistes et des pays les plus radicaux comme l'Iran, ruinant les maigres espoirs d'un Etat palestinien viable, estiment des spécialistes. "Ce qui se passe actuellement renforce les éléments les plus radicaux et risque de déstabiliser les gouvernements modérés" comme en Egypte, estime Denis Bauchard, de l'Institut français des relations internationales (Ifri). Pour ce spécialiste du Proche-orient, le Hamas pourrait voir son aura politique renforcée dans les populations arabes, même s'il sort affaibli militairement du conflit, à l'instar du Hezbollah qui avait exploité à son profit le conflit au sud Liban de l'été 2006. "L'intervention militaire israélienne est en soi une forme de reconnaissance de l'influence du Hamas", estime-t-il. Un constat partagé par l'Américain Anthony Cordesman, du Centre d'études stratégiques et internationales (CSIS) de Washington, expert de la région et ancien conseiller du rival de Barack Obama pour la présidence, John McCain. "La situation présente renforce politiquement tout ce que le monde arabo-musulman compte de radicaux. La seule manière de contrecarrer ce fait est de parvenir à une solution politique. Or, aujourd'hui, les chances ne sont pas élevées", estime-t-il dans un entretien au journal Le Monde. Pour Laleh Khalili, de l'Ecole d'études orientales et africaines de Londres, "même si cela n'a pas d'impact au niveau régional, au sein des pays les plus radicaux ce sont les éléments les plus extrémistes qui se sentent encouragés". C'est tout spécialement le cas à Téhéran, ferme soutien du Hamas, où cette crise est exploitée par le très anti-israélien président Mahmoud Ahmadinejad à l'approche de l'élection présidentielle iranienne, relève-t-elle. Pour Antoine Basbous, directeur de l'Observatoire des pays arabes (OPA), c'est la représentation même de la cause palestinenne, assurée officiellement par l'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, qui est en jeu. "Le Hamas veut incarner la représentation symbolique de la Palestine et de ses revendications à la place d'un Abbas usé. S'il gagne, c'est l'axe Syrie-Iran-Hezbollah qui gagnera avec lui", estime-t-il. Mais à l'inverse, "si cette aventure se révèle dramatique pour les Palestiniens et que le Hamas en sort écrasé, Abbas pourra apparaître comme un recours, un sage qui ne prend pas de risques exagérés", fait-il valoir. L'issue de cette crise pèsera sur les élections israéliennes prévues dans quelques semaines, où l'équipe sortante du Premier ministre Ehud Olmert et de sa ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni est engagée dans un duel serré avec le Likoud (droite) de Benjamin Netanyahu. Un retour au pouvoir de M. Netanyahu, tenant de longue date d'une ligne dure, est considérée par de nombreuses chancelleries comme un risque supplémentaire de voir les fragiles efforts de paix reculer à nouveau. "Si le Likoud de Benjamin Netanyahu remporte les élections du 10 février, cela deviendra plus compliqué", reconnaît Anthony Cordesman. Dans ce contexte, les chances de parvenir à créer un Etat Palestinien viable sont plus minces que jamais, estiment les experts. Cette crise risque de mettre un "point final" au processus engagé sous l'égide de Washington fin 2007 à Annapolis (Etats-Unis), redoute Denis Bauchard. Entre un Hamas qui sortirait dopé à Gaza, et une Cisjordanie "grignotée" par Israël au travers de la colonisation et du mur de séparation, "y a t'il encore place pour un Etat palestinien qui ne soit pas un Etat fantôme?", s'interroge-t-il.

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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