11/06/2009 Texte

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Après les élections au Liban, que va faire le Hezbollah ?

Les premières vraies législatives libanaises organisées après le départ de l’occupant syrien d’avril 2005 se sont déroulées dans un climat surprenant : aucun incident majeur n’a été à déplorer ; l’Etat de droit a été respecté, le jour du vote, grâce au comportement exemplaire des ministres de l’Intérieur et de la Justice, avec des résultats transparents sortis des urnes. Mais avant le scrutin, ces élections ont été entachées par l’injection massive des pétrodollars du Golfe : arabe au profit des Sunnites, ou iranienne au profit du Hezbollah. Ces interventions extérieures ont permis à près de 100.000 expatriés de venir voter le 7 juin. Toutefois, la loi électorale désuète maintient le suffrage populaire dans une impasse communautaire. Le projet de société belliciste proposé par le Hezbollah a été rejeté. Les Libanais ont suffisamment payé de leur vie et de leur bien-être depuis une quarantaine d’années pour continuer dans la même voie. L’allié chrétien du Hezbollah, le général Michel Aoun, qui sert de « couverture nationale » au projet du Parti de Dieu a été rétrogradé dans le vote chrétien. L’enjeu de ces élections a même mobilisé le vice-président américain, Joe Biden, qui s’est rendu à Beyrouth, précédé par la secrétaire d’Etat américaine, Hilary Clinton. Cet intérêt appuyé n’était pas anodin. Il traduisait la crainte d’un succès du Hezbollah, dont l’acte de naissance a été signé à Téhéran de la main de l’ayatollah Khomeiny, en 1983, et auprès duquel l’Iran a pré-positionné près de 40.000 missiles. Le président iranien s’était d’ailleurs réjoui trop tôt de la victoire attendue du Parti de Dieu, lui confiant la mission de harceler Israël. Or, l’Etat hébreu avait prévenu qu’en cas de nouveau conflit, il s’en prendrait non au Hezbollah, mais à l’ensemble du pays du Cèdre, considéré comme une entité ennemie. De plus, la multiplication des interventions télévisées du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, de plus en plus arrogantes, a sans doute fait réfléchir la communauté chrétienne, laquelle était amenée à arbitrer le duel institutionnel entre Sunnites et Chiites. Elle s’est détachée de l’alliance chiite, qui n’avait à proposer que « du sang, des larmes et des sacrifices » au profit de l’alliance entre Téhéran et Damas et des ambitions nucléaires iraniennes. Elle a voulu garder le Liban dans le giron de l’alliance des pays arabes dits « modérés », proches de l’Occident. En réalité, il semble que la puissance du Hezbollah et ses initiatives belliqueuses aient provoqué la peur de l’ensemble des composantes non chiites. En juillet 2006, le Parti de Dieu avait lancé une attaque contre Israël qui avait conduit à une guerre de 33 jours. Puis il avait assiégé le gouvernement, au cœur de Beyrouth et pendant 18 mois, avant de prendre le contrôle, en mai 2008, de la capitale libanaise et d’attaquer la montagne du Chouf. Enfin, en 2009, on a découvert un Hezbollah aux missions dépassant l’espace libanais, avec le démantèlement d’une cellule implantée en Egypte et l’arrestation de terroristes présumés en Azerbaïdjan. Le totalitarisme exercé par le Hezbollah sur la communauté chiite, progressivement formatée sur le modèle iranien depuis la Révolution islamique de 1979, ne fait qu’aggraver la suspicion à son égard. Ces élections ayant éloigné pour quelques temps encore la menace d’une OPA du Hezbollah sur le Liban, ce dernier doit à présent se choisir un nouveau gouvernement. Nasrallah a reconnu sa défaite. Mais le Hezbollah veut à tout prix sanctuariser son armement et protéger ses chefs, qui pourraient être inquiétés par le Tribunal Pénal International dans l’affaire de l’assassinat de Rafic Hariri, et ce en contrevenant à plusieurs résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Pis encore, le Hezbollah pourrait s’obstiner à détenir le tiers de blocage au sein du gouvernement pour faire barrage à toute décision contraire à ses intérêts. Pour combien de temps encore le Liban restera-t-il la caisse de résonnance de conflits régionaux qui le dépassent et qui y trouvent un terrain et un terreau communautaire idéal pour s’y déployer ? En temps de détente régionale, ce communautarisme pourrait être un antidote à la tentation totalitaire, si répandue en Orient ; mais, en période de tensions, il devient un talon d’Achille qui condamne tout espoir de paix et de prospérité au Liban. Entre le meilleur et le pire, la marge est très ténue. Il est donc grand temps que les Libanais trouvent enfin le « vaccin » patriotique indispensable pour les mettre à l’abri des turbulences régionales. L’arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche et la détente régionale annoncée par la proclamation au Caire, le 4 juin, de son nouveau « pacte » avec les « musulmans » pourraient y contribuer.

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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