31/03/2011 Texte

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Secoués par les révoltes, les Arabes laissent les Occidentaux agir en Libye

Par Mona SALEM LE CAIRE, 31 mars 2011 (AFP) - Secoués par les révoltes et craignant un précédent qui pourrait se reproduire chez certains d'entre eux, les régimes arabes laissent les Occidentaux gérer le conflit en Libye après leur avoir donné carte blanche pour y intervenir militairement. Réunis d'urgence, le 12 mars au Caire, les chefs de diplomatie de la Ligue arabe avaient formellement demandé à l'ONU d'autoriser la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne et de zones sûres en Libye pour protéger les civils. Ils avaient aussi décidé de "coopérer" avec le Conseil national de transition (CNT), créé par l'opposition. Mais, hormis une participation symbolique du Qatar et des Emirats Arabes Unis à l'opération militaire de la coalition en Libye, les pays arabes n'ont rien fait pour aider les rebelles à contrer la répression, et la majorité d'entre eux garde le silence sur les développement dans ce pays où l'Otan a pris en main jeudi l'ensemble des opérations. Aucune manifestation populaire n'a eu lieu cependant dans le monde arabe pour dénoncer l'intervention internationale, un fait significatif dans une région réputée pour son hostilité traditionnelle envers toute ingérence militaire occidentale. "C'est normal, les gens ne sont pas contre l'intervention occidentale car pour eux elle vise à mettre fin à une dictature", explique Emad Gad, du Centre al-Ahram d'études stratégiques et politiques du Caire. "Si l'on prend le cas de l'Egypte, on se rendra compte que la population considère Kadhafi comme Moubarak", le président égyptien poussé en février à la démission par une révolte populaire, ajoute-t-il. Mais le relatif manque de mobilisation des opinions et des gouvernements arabes sur le dossier libyen s'explique par le fait que "chaque pays reste autocentré sur ses propres problèmes", estime-t-il. L'Egypte et la Tunisie, qui traversent tous les deux une période transitoire délicate, ont affiché leur volonté de rester à l'écart du conflit libyen qui se déroule à leurs portes. Le Caire et Tunis ont fait valoir que des centaines de milliers de leurs ressortissants se trouvaient toujours en Libye, et qu'ils donnaient la priorité à leur sécurité. Les deux pays ont également "peur de Kadhafi en raison de sa capacité de nuisance et de sa force de frappe financière", estime Antoine Basbous, directeur de l'Observatoire du monde arabe à Paris. D'autres pays, comme la Jordanie, qui craint les retombées de la contestation chez son voisin syrien, préfèrent aussi rester prudents. Amman ne participe pas militairement aux opérations internationales en Libye mais serait prête à fournir une aide humanitaire si on le lui demande. De source diplomatique occidentale à Amman, on indique que "la Jordanie a été gênée par l'annonce du Premier ministre britannique David Cameron, ayant souhaité que sa participation aux opérations en Libye reste discrète". "Kadhafi n'a pas d'amis parmi les pays arabes", affirme M. Basbous, en rappelant par exemple que l'Arabie Saoudite a accusé le dirigeant libyen d'avoir planifié une tentative d'assassinat contre le roi Abdallah dans les années 2000. Mais le conflit libyen il "est observé comme un précédent qui peut arriver à l'un ou l'autre des régimes où les révolutions ne sont pas achevées", souligne-t-il. "C'est pourquoi on voit le soutien de la Syrie et de l'Algérie, même s'il n'est pas affiché", ajoute-t-il, en affirmant que "les régimes arabes ne doivent pas être fiers de l'intervention contre Kadhafi, car ils lui ressemblent même si c'est à un degré moindre". Et, conclut-il, dans un monde arabe en proie à un séisme politique, "le souci premier de chacun de ces régimes en ce moment est de gérer ses propres crises".

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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