21/11/2011 Texte

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Egypte: Les Salafistes sont minoritaires mais très actifs, très belliqueux

Antoine Basbous est un politologue libanais travaillant en France spécialiste du monde arabe et de l’islam. C’est le fondateur et le directeur de l’Observatoire des Pays Arabes. Il vient de sortir un livre intitulé « Le Tsunami arabe ». Nous l’avons interviewer sur la situation actuelle en Egypte. David Arnold : Les élections sont prévues pour le 28 novembre, pourquoi les manifestants sont-ils à nouveau dans la rue, quelques jours avant ? Antoine Basbous : Les manifestants contestent la préparation des élections, ils contestent les principes supra-contitutionnels que le Conseil supérieur des forces armées veut imposer, et ils ont le sentiment que le CFSA est en train de confisquer le pouvoir, et de changer la vitrine après l’élection de Moubarak pour le remplacer par un autre de leurs hommes, tout en gardant le système et le régime à leur profit. Donc il y a de la frustration chez ces manifestants qui veulent que le CFSA rende le pouvoir aux civils. D.A. : Le nouveau gouvernement égyptien peut-il tomber ? A.B. : Il ne tient qu’à un fil et ce gouvernement est entre les mains du CFSA et il n’y a pas de personnalités dominantes qui ont du charisme, il n’y a pas de programme. L’état de l’Égypte aujourd’hui, c’est un état de confusion ; nous assistons à une situation apesanteur dans laquelle il n’y a pas de programme, il y a de la manœuvre, et beaucoup de confusion. D.A. : Les élections risquent-elles d’être reportées ? A.B. : Dans la mesure où les manifestants appellent à une nouvelle manifestation pour ce mardi, on ne sait pas comment ça va dégénérer, dans combien de villes il y aura des mouvements de foule, comment ça peut évoluer, tout cela, on n’est vraiment dans l’incertitude. D.A. : L’armée a-t-elle vraiment l’intention de céder le pouvoir ? A.B. : Je ne pense pas que l’armée ait cette intention là. Elle est la colonne vertébrale du pays depuis 1952 et le coup d’état de Nasser, elle n’a pas envie de céder le pouvoir qui est à la fois un pouvoir militaire, économique et un pouvoir tout court. D.A. : Du côté des islamistes, quelles sont leurs intentions ? A.B. : Les Frères musulmans qui sont les plus structurés ont hâte d’avoir des élections, parce que dans la configuration actuelle, ils sont les mieux placés pour l’emporter ; les salafistes viennent derrière eux, et sont extrêmement belliqueux, c’est la version du wahhabisme saoudien vers l’exportation, ils sont dotés de fonds très abondants en provenance du Golf. D.A. : …et ils sont minoritaires dans le mouvement islamiste ? A.B. : Ils sont minoritaires mais très actifs, très belliqueux, mais surtout quelque-part révolutionnaires, eux qui veulent que les touristes ne visitent plus les temples de l’ancienne Égypte, les temples pharaoniques, qui veulent détruire les statues, bref c’est un programme islamiste à outrance qui rappelle les talibans voire pire. D.A. : Les Frères musulmans eux sont-ils en passe de devenir la première force politique du pays ? A.B. : Ils l’ont été de façon discrète sous Moubarak, ils vont l’être si les urnes sont transparentes, ils sont les plus structurés, les plus enracines et les plus anciens du paysage politique égyptien puisque leur existence remonte à 1928. D.A. : Est ce qu’on peut garder une note d’optimisme pour l’Égypte ? A.B. : Après l’éviction de Moubarak, il y a une phase de transition qui peut-être plus ou moins heureuse, mais ce qui se passe, ça ouvre la voix à des changements et à une alternance ; puisque ça ne se faisait pas dans la paix et dans les urnes auparavant, maintenant nous assistons à une période mouvementée qui je l’espère pour l’Égypte débouchera sur des jours meilleurs.

OBSERVATOIRE DES PAYS ARABES
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